America Cup - Coupe de l'America
Au début du mois de Juillet 1966 j'ai fait partie du premier équipage français de la coupe de l'America.
Enrôlé
Quelque part au début de l'année 1966 je vois dans la presse nautique que le Baron Bich (celui des stylos bille Bic) a décidé de courir la coupe de l'America, la plus prestigieuse course à la voile au monde.
Pour ce faire, il a racheté les deux concurrents de la précédente édition, Sovereign (Anglais) et Constellation (US). Pour mémoire, rappelons que cette compétition se courait alors avec des 12M JI, dans la baie de Newport, au meilleur score sur 7 régates, avec uniquement deux bateaux, ce que l'on appelle le "mach racing". Toujours à l'époque il n'y avait pas de sélection des challengers, en général le premier candidat était retenu.
Avec un ami de fac, sans douter de rien, nous envoyons une lettre de candidature. J'étais moniteur de voile, et lui aussi, mais nous n'avions ni l'un ni l'autre d'expérience des gros bateaux.
Quelques semaines plus tard nous recevous une lettre disant "Vous êtes engagés pour courir la coupe de l'America, trouvez-vous tel jour à la base aéronavale de Hyères". Nous n'avions même pas passé un essai... Nous nous sommes regardés en disant "ils sont fous".
Mon camarade n'était pas libre au moment voulu, il n'a donc pas accepté, mais moi j'étais libre et j'y suis allé.
Nous étions embauchés "au pair", c'est à dire sans salaire mais nourris et logés.
La base
Me voilà donc à la base aéronavale de Hyères, au milieu d'une équipe de gros bras. Nous logeons à la base avec les sous-officiers. Comme marins nous ne verrons à peu près pas l'encadrement de l'équipe.
Le matin, réveil vers 8h, très copieux petit déjeuner: oeufs, jambon, céréales, café, pain, confiture, beurre, tout à volonté.
Plus tard, à bord, nous aurons droit pour midi à des sandwiches au beefsteak et au fromage, excellents.
Le soir dîner avec les sous offs, et je peux vous dire que dans la marine on mange bien!
Navigation
Entraînement tous les jours, environ de 10h à 16h, intensif. Je suis affecté aux "moulins à café", les gros treuils qui servent de winches. Sur la photo ci-dessous, en haut à droite, çe n'est pas moi, mais à un mois près ça aurait pu...
Ce sont des treuils à deux équipiers et trois vitesses qui se passent au pied. Quand on brasse le spi, il y a environ 50m d'écoute à rentrer en environ 5s, il vaut mieux ne pas se prendre le pied dans l'écoute... Le winch sert aussi à hisser une voile. Pour la plus grande, le spi, de 400 m², il faut compter à peine 10s pour l'envoyer et la faire porter. Il y a un winch de chaque bord, l'un pour la drisse, l'autre pour l'écoute.
Une fois la voile hissée, le winch ne sert plus que pour border, et là il faut beaucoup de force et peu de vitesse, d'où les rapports de démultiplication
Ces bateaux ne naviguaient que par petit temps, le plan d'eau de la compétition étant renommé pour ses calmes. Du coup au dessus de force 4 on pliait les voiles et on rentrait au port à la remorque.
J'étais arrivé là étudiant maigre et sous alimenté par le resto U, j'ai donc pris 1kg (de muscle) par jour pendant 15j... Je n'ai jamais été aussi en forme qu'à ce moment.
Licenciement
Si on lit l'article paru peu après dans Neptune Nautisme (voir duplicatas), on voit Éric Tabarly. Mon équipe devait être celle de Maupas. J'ai navigué avec le baron Bich à la barre, mais au bout de 15j toute l'équipe, skipper en tête a été "remerciée", et je n'ai jamais navigué avec Tabarly. Par contre on le voit sur une de mes photos, prise juste avant mon départ - je n'avais bien sûr pas le droit d'emmener un appareil photo à bord...